La République est le fruit d'une lente maturation historique prenant sa source dans les tourbillons de l'ère révolutionnaire. Les Lumières, en plus d'en construire les fondations idéologiques, affirmeront son caractère bourgeois qui jouera contre elle sous la chimérique Seconde République. Après une parenthèse monarchiste au lendemain de la guerre Franco-Allemande, elle porte enfin son masque parlementaire qui lui siéra tant durant un demi-siècle ponctué de crises politiques qui ne feront que consolider sa pérennité. Même un premier conflit mondial n'en viendra pas à bout ! Mais la rupture surviendra : un maréchal la masquera du sombre voile de la collaboration levé plus tard par un général qui s'exclamera orgueilleusement de lui en avoir rétablit les libertés. Estimant avoir rempli sa tâche, et ne supportant pas l'idée d'être relégué à une fonction présidentielle consistant uniquement à inaugurer les chrysanthèmes, il partira en ermite à Colombey dans sa Champagne lointaine. Se soulageant rapidement de ses maux intérieurs, la Quatrième République renouera avec ses vielles -et mauvaises- habitudes institutionnelles s'illustrant alors à nouveau par une instabilité politique d'autant plus malvenue que la tardive question de la décolonisation française ne tardera pas à pointer le bout de son nez avec la guerre d'Algérie.
Cette guerre, aussi sanglante soit-elle, aidera notre Etat à se débarrasser des oripeaux d'une République parlementaire en lambeaux pour revêtir les habits neufs d'une Cinquième République présidentielle instituée par notre bon vieux Général qui sortira prudemment de sa retraite champenoise. Son outil de régence ? Une République remodelée à son image, un costard institutionnel spécialement taillé pour lui. Le discours de Bayeux, patron du costard - si l'on peut se permettre un abus de métaphores - sera la genèse d'une stabilité de nos institutions qui dure encore de nos jours. Les grandes lignes sont là : un exécutif fort et un parlementarisme rationalisé garantissant une stabilité politique autrefois mis à mal par les motions de censure d'un parlement aux prérogatives débridées.
Les différents monarques présidentiels qui succéderont au Général sauront tirer un grand bénéfice politique de notre Constitution de 1958. Mais le costume de la République gaullienne deviendra de plus en plus large pour eux aux fils des années. Jacques Vergès nous le disait si bien à propos de Nicolas Sarkozy : "De Gaulle était un géant, nous avons aujourd'hui affaire à des nains !". Nains par la taille, les présidents le sont aujourd'hui par l'âge : notre cher chérubin président demeure le jeune successeur d'une longue histoire décliniste de la Cinquième République dont il finira certainement par achever le caractère présidentiel et partant sa propre fonction. Il faut dire que monsieur Macron fait feu de tout bois pour atteindre cette fin : il reçoit ses conseillers en bras de chemise, il chante la marseillaise à l'américaine la main sur le coeur, discourt par un sentimentalisme théâtral, et confond volontiers - mais est-ce le seul ? - Paris Match avec le Journal Officiel. Nous sommes très loin du monarque influent, discret, et majestueux de notre République gaullienne. Mais ce n'est ici que l'aspect comportemental qui ne saurait disculper le cadre institutionnel de notre République. De ce point de vue Macron n'est que l'énième exécutant d'un travail de démolition constitutionnelle et politique de notre République gaullienne commencé par Giscard et continué par ses successeurs. Aussi le jeune banquier est-il un héritier singulier : son jeunisme, son américanisation à outrance, et son caractère enjôleur, ne seront pas pour rien dans l'abaissement de la fonction présidentielle et partant de notre République.
Les rapports entre les différents pouvoirs se sont transformés au fil des trop nombreuses réformes constitutionnelles entreprises depuis ces cinquante dernières années. La République gaullienne n'est plus que l'ombre d'elle-même : l'exécutif s'est métamorphosé en un équipe de managers se bataillant pour obtenir la meilleure enveloppe budgétaire rétrécie par les contraintes bruxelloise alors que l'Assemblée Nationale en est revenue au temps l'Ancien Régime en se transformant en une chambre d'enregistrement des décisions d'une Union Européenne plus pressée à défendre la puissance des milieux financiers que la souveraineté des Nations. Pour voir tout ce chemin parcouru une étude comparative de ces deux Républiques, si différentes, est la plus propice des solutions. Elle permettra de mesurer l'écart culturelle, politique, et institutionnelle entre ces deux République, gaullienne et macronienne.
De la gouvernance présidentielle au management.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser au premier abord, l'esprit de la Constitution de 1958 s'inspire en grande partie de la séparation des pouvoirs afin de renforcer le pouvoir de l'exécutif et sa prépondérance sur le pouvoir législatif. Montesquieu avançait l'idée que la séparation de l'exécutif, du législatif et du judiciaire induisait tout autant de contrepouvoirs exercés les uns contre les autres pour prévenir les éventuels abus d'autorité que chacun serait en tentation d'user. C'est ce qu'il s'est progressivement passé sous la Troisième et Quatrième République où le législatif disposait quasiment d'un pouvoir de vie ou de mort sur l'exécutif grâce à la motion de censure. Le principe était simple, le gouvernement restait responsable devant le Parlement pour maintenir un régime parlementaire... mais à quel prix.
Lors de la révision constitutionnelle de 1958, Charles de Gaulle et son équipe se sont montrés plus malins que les députés en place. Ces derniers n'étaient qu'attachés à une chose : le maintien d'un gouvernement responsable devant le parlement pour conserver une République à caractère parlementaire. Fort bien ! De Gaulle concédera à cette exigence : l'article 20 de la Constitution précise aujourd'hui que le gouvernement est "responsable devant le Parlement" tandis que les articles 49 et 50 en précise les modalités selon lesquelles cette responsabilité est censées être engagées. La motion de censure est ainsi maintenue mais ses conditions de mise en oeuvre sont drastiquement révisées par la nécessité d'une majorité de députés avec des abstentions considérées comme des votes favorables envers le gouvernement. Si la République parait parlementaire sur le papier il en est loin d'être le cas en réalité.
Le Président, quant à lui, dispose de pouvoirs renforcés. Loin d'être relégué à un rôle honorifique comme sous les précédentes Républiques, il joue un vrai rôle pour remplir la mission que lui allègue la Constitution. Il nomme ainsi le Premier ministre et, sur proposition de celui-ci, nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. Il possède surtout le droit de dissolution, vrai arme de dissuasion massive pour prévenir une éventuelle motion de censure du Parlement, et ce sans autre conditions que celle de consulter le Premier ministre et les présidents des deux Chambres, ces derniers ne rendant qu'un avis non contraignant sur la question. Mais la vrai marque de ce présidentialisme assumé se trouve dans l'article 16 au travers duquel le Président réunit entre ses mains l'ensemble des pouvoirs lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation ou encore l'intégrité de son territoire sont menacées.
Mais qu'en est il dans la pratique de ces prérogatives gouvernementales conférées par la Constitution de 1958 ? Quittons le droit positif pour faire un peu de positivisme. On l'a compris, le Président reste le chef, le Premier ministre ne devant que remplir le rôle, parfois ingrat d'exécutant -Michel Debré en saura quelque chose avec ses positions contradictoires à celles de De Gaulle au sujet de l'Algérie française. Dans sa pratique du pouvoir, De Gaulle dépassera parfois largement les prérogatives qui lui étaient attribuées par la Constitution. Il en a été le cas lors du putsch des généraux d'avril 1961 contre lequel il mettra en oeuvre l'article 16 de la Constitution dont les conditions, d'après certains juristes, étaient loin d'être remplies. Mais le Général, hormis la légalité constitutionnelle, disposait d'une légitimité historique aux yeux des français pour œuvrer dans ce sens.
Et les ministres dans tout cela ? Si ils conduisent la politique de la nation ils n'en reste pas moins extrêmement fidèles à la personne du Grand Charles et à son idée de la France. Cette convergence de point de vue se comprend : si les membres du gouvernement restaient responsables devant l'Assemblée ils n'en restaient pas moins nommés, comme il en est encore le cas aujourd'hui, par le Président lui-même. De Gaulle nommera pour son équipe gouvernementale des gaullistes chevronnés ou des experts apolitiques qui répondront plus tard au nom - aujourd'hui péjoratif - de technocrates. Ceux-ci sentaient que le rôle qui leur était attribué dépassait largement la simple fabrication de normes qui ne sont aujourd'hui produites que pour répondre à des cas extrêmement techniques ou concrets. Leur mission, ils le ressentaient ainsi, était de maintenir le rang de la France dans le nouvel ordre mondial né de la fin de la seconde guerre mondiale. Nombre d'entre eux étaient issus de la résistance, avaient connu des années de "cache-cache" sous Vichy, une pression morale et physique intense, qui les aideront plus tard non seulement à gouverner mais à disposer également de cette compréhension de l'Histoire si chère et bénéfique aux grands gouvernants.
Reportons nous soixante ans plus tard à l'aune du quinquennat Macron. On peut constater une convergence de forme mais une opposition radicale de fonds entre les gouvernements gaullien et macronien. Comme à l'ère gaullienne, Emmanuel Macron entend mener la barque avec conseillers technocrates proche de lui et disposant entre leurs mains d'un gouvernement dont le personnel leur est entièrement soumis. Cependant si bon nombre des membres du gouvernement sont de parfaits inconnus, comme il en a été le cas sous De Gaulle, ceux-ci sont aujourd'hui des exécutants de l'idéologie bruxelloise, estimant qu'un sens linéaire de l'histoire existe, et que celui-ci ne peut se traduire que par davantage d'avancée vers le supranationalisme et le libéralisme. Manifestement, les ministres macroniens, ne disposent plus du même poids politique que celui, conféré par les épreuves de l'Histoire, de leurs prédécesseurs. Leurs points de vue ne s'expriment qu'au travers du matérialisme et de l'économisme. Ils considèrent que le salut de la France, loin de passer par son rang géopolitique aujourd'hui cadenassé par l'Allemagne, ne peut se réaliser que par le truchement de l'accumulation matérielle et de la prospérité économique niant par là-même l'essentialisme propre à chaque être humain. Cette divergence de fond s'exprime aussi par la manière dont est entretenue la solidarité gouvernementale. Macron entend diriger son "équipe" par des "séminaires" et plus de "transversalité", bref tout autant de mots issus du jargon entrepreneuriale anglo-saxon. Les membres gouvernementaux, d'En Marche! sont friands de cette culture du management américain pour exprimer leurs opinions exclusivement par des slogans, des acronymes ou des anglicismes simples à retenir.
De la souveraineté à la soumission :
Le parlement de la République gaullienne, si il était largement muselé par l'autorité du pouvoir exécutif, n'en demeurait pas moins souverain. Au travers de ses lois il n'avait à rendre de comptes qu'à la Constitution. La souveraineté manifeste l'exercice politique effectif sur une nation qui a elle même défini la nature de cette exercice politique. En d'autres mots, le peuple choisit - plus ou moins directement - le gouvernement et le parlement qui exerceront à son endroit le pouvoir, voir la violence légitime. Mais la souveraineté se traduit également par l'absence de subordination d'un Etat sur un autre. Bien entendu, on ne saurait contesté l'influence d'un Etat à l'encontre d'un autre mais ce dernier ne peut, en théorie, recevoir directement des ordres d'un quelconque Etat étranger pour la conduite de sa politique nationale. Sous l'ère gaullienne, l'Etat français a tenté de jouer un rôle d'influence au travers du monde, notamment à l'égard de l'Ancien Continent et du Moyen Orient. Mais jamais il n'a interféré dans les affaires intérieures d'un quelconque pays comme le font aujourd'hui les Etats occidentaux actuels.
Sous notre époque, on peut littéralement, concernant la France, inverser la phrase concernant la subordination : la souveraineté se traduit par la présence d'une subordination d'un Etat sur un autre... On peut même en changer l'un des sujets, "l'autre", pour être plus précis. La France n'est plus aujourd'hui subordonné à un Etat mais à un organisme international : l'Union Européenne ! Dans les faits, cette soumission se traduit aujourd'hui par une Assemblée Nationale devenue le vassal d'une Union Européenne dont la légitimité démocratique est loin d'être reconnue : notre parlement national enregistre les directives et les règlements d'un parlement européen, élu par moins de 40% des inscrits français, aux ordres d'une commission européenne qui ne répond de ses actes devant aucune instance démocratique. Cela se manifeste d'ailleurs directement sur nos lois : 80 à 90% d'entre elles sont de simples transpositions de normes communautaires suintant le sansfrontiérisme et la promotion à tout va des milieux financiers.
Pour masquer cette impuissance, et faire preuve de sa puissance chimérique, le parlement macroniste édicte avec ferveur des lois sur des sujets sur lesquels il dispose encore d'une emprise : la vie politique. On lui concédera cependant qu'il n'est pas le premier à œuvrer dans ce sens puisque les parlements successifs ont suivit cette tendance depuis bientôt plus de vingt ans. Sur ce postulat on comprend l'origine et l'intérêt d'une loi sur la moralisation de la vie publique. Elle n'est en fait "qu'une poire à chagrin pour passer à un autre sujet" comme nous l'avertissait notre si prévenant général. Les français sont des machiavéliques, non des puritains scandinaves ou des quakers mormons. Ils ne sont pas lassés du fait de la corruption de nos élus, mais de leur impuissance. Même les sondages contredisent la soi-disante attente des français sur la moralisation de la vie publique, ceux-ci étant davantage inquiets par les phénomènes de la crise migratoire et du terrorisme islamique. Ipsos - qui n'est franchement pas un organisme de sondages remplies de réactionnaires - au travers d'une enquête "Fractures française 2017", a constaté que 65% des français pensent qu'il y a trop d'étrangers en France, ce chiffre étant identique à celui de 2016 et en croissance depuis 2014. En outre, l'étude établit que seulement 40% de nos compatriotes considèrent que l'islam, tel qu'il est pratiqué en France, est compatible avec les valeurs de la société française.
Comme notre Parlement n'a plus d'emprise sur l'économie et l'immigration - deux sujets étroitement liés et qu'il glorifie - il passe son temps à voter des lois qui n'ont presque plus aucune influence sur la prospérité de notre pays et dont la plupart des français se fichent comme d'une guigne. Mais le déclin de nos représentants parlementaires ne ne se traduit pas uniquement dans la production législative. La personne même du député est aujourd'hui à relativiser par rapports aux soixante dernières années. En effet, alors que l'Assemblée Nationale du précédent siècle était largement constitué d'hommes, et par fois de femmes, bénéficiant d'un poids politique et intellectuel non négligeables, nous nous retrouvons en 2017 avec des députés faisant preuve, parfois jusqu'à la caricature, d'un amateurisme confondant. Ceux-ci sont d'ailleurs contraints de participer à des "séminaires" comme des salariés commerciaux le seraient pour se former à de meilleures techniques de ventes.
C'est un constat comparatif que d'aucun pourrait qualifier de réactionnaire ou de "c'était mieux avant". Nous assumons pleinement cette position. Mais la sincérité nous force à admettre que tout n'est pas à jeter dans l'esprit de la République macronienne. Comme nous l'avons souligné celle-ci a renoué avec la forme d'un pouvoir exécutif qui, si il ne reflète plus l'esprit originel de la Vème Répuglique, bénéficie néanmoins d'une autorité plus importante face à un parlementarisme de plus en plus débridé au fil des révisions constitutionnelles de ces trente dernières années. L'autre sujet majeur sur lequel le pouvoir macronien s'illustre avec talent demeure celui de la diplomatie étrangère. Contrairement à leurs prédécesseurs respectifs, Macron et Le Drian ne versent pas dans un manichéisme dégoulinant de niaiserie comme on pu le faire autrefois Hollande et Fabius notamment à propos de la Syrie et de la Russie.
Cependant, on se plait à voir nos journalistes se transformer en historiographes de notre jeune roi pour glorifier sa politique internationale. La rencontre entre Poutine et Macron à Versailles demeure l'illustration parfaite de cette information dithyrambique sur le sujet. Les médias officiels ont consensuellement fait l'éloge d'un Macron sûr de lui, lançant au visage de Poutine sa diatribe à l'encontre de journaux français pro-russe n'ayant pas fait dans la dentelle pour mettre des bâton dans la campagne présidentielle de notre pompeux Président. De même, sa réponse au refus de Donald Trump de signer les accords de Paris par une formule ironique et simpliste - "Make our planet great again" -, fera l'objet d'éloges apologiques de la part de nos hagiographes macroniens. Ceux-ci auront simplement oublié d'une part que Poutine a répondu à Macron que les aspirations souverainistes d'une grande partie de son peuple n'étaient pas illégitimes à ses yeux, et d'autre part que l'accord de Paris n'était qu'un texte de grandes intentions, dépourvu d'une quelconque force juridique, et dans lequel les "should" et les "could" se substituaient au "must" et au "have to". Mais si l'on écarte cette flatterie exprimée par nos médiacrates, nous ne pouvons que nous réjouir de cette prise de hauteur sur les questions internationales. Il en est de même actuellement avec les positions de Monsieur Blanquet sur l'Education Nationale afin (d'essayer) d'en finir avec 30 ans de pédagogisme et de constructivisme (l'élève qui construit son propre savoir...) qui ont transformé progressivement les professeurs en des assistants sociaux quotidiennement au bord de la crise de nerfs. Mais les temps longs ont leur logique. Macron continuera a privilégié l'idéologie dominante du marché ; il reprendra les thèmes scandés par les multiples minorités ethniques et sociales; il dirigera la France et son gouvernement comme une startup; sa vision courtermiste des choses, si caractéristique des milieux financiers, s'opposera ridiculement à celle longtermiste du plus illustre des français - De Gaulle. Mais comme le scandent naïvement nos progressistes macroniens : "les temps changent"
Les rapports entre les différents pouvoirs se sont transformés au fil des trop nombreuses réformes constitutionnelles entreprises depuis ces cinquante dernières années. La République gaullienne n'est plus que l'ombre d'elle-même : l'exécutif s'est métamorphosé en un équipe de managers se bataillant pour obtenir la meilleure enveloppe budgétaire rétrécie par les contraintes bruxelloise alors que l'Assemblée Nationale en est revenue au temps l'Ancien Régime en se transformant en une chambre d'enregistrement des décisions d'une Union Européenne plus pressée à défendre la puissance des milieux financiers que la souveraineté des Nations. Pour voir tout ce chemin parcouru une étude comparative de ces deux Républiques, si différentes, est la plus propice des solutions. Elle permettra de mesurer l'écart culturelle, politique, et institutionnelle entre ces deux République, gaullienne et macronienne.
De la gouvernance présidentielle au management.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser au premier abord, l'esprit de la Constitution de 1958 s'inspire en grande partie de la séparation des pouvoirs afin de renforcer le pouvoir de l'exécutif et sa prépondérance sur le pouvoir législatif. Montesquieu avançait l'idée que la séparation de l'exécutif, du législatif et du judiciaire induisait tout autant de contrepouvoirs exercés les uns contre les autres pour prévenir les éventuels abus d'autorité que chacun serait en tentation d'user. C'est ce qu'il s'est progressivement passé sous la Troisième et Quatrième République où le législatif disposait quasiment d'un pouvoir de vie ou de mort sur l'exécutif grâce à la motion de censure. Le principe était simple, le gouvernement restait responsable devant le Parlement pour maintenir un régime parlementaire... mais à quel prix.
Lors de la révision constitutionnelle de 1958, Charles de Gaulle et son équipe se sont montrés plus malins que les députés en place. Ces derniers n'étaient qu'attachés à une chose : le maintien d'un gouvernement responsable devant le parlement pour conserver une République à caractère parlementaire. Fort bien ! De Gaulle concédera à cette exigence : l'article 20 de la Constitution précise aujourd'hui que le gouvernement est "responsable devant le Parlement" tandis que les articles 49 et 50 en précise les modalités selon lesquelles cette responsabilité est censées être engagées. La motion de censure est ainsi maintenue mais ses conditions de mise en oeuvre sont drastiquement révisées par la nécessité d'une majorité de députés avec des abstentions considérées comme des votes favorables envers le gouvernement. Si la République parait parlementaire sur le papier il en est loin d'être le cas en réalité.
Le Président, quant à lui, dispose de pouvoirs renforcés. Loin d'être relégué à un rôle honorifique comme sous les précédentes Républiques, il joue un vrai rôle pour remplir la mission que lui allègue la Constitution. Il nomme ainsi le Premier ministre et, sur proposition de celui-ci, nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. Il possède surtout le droit de dissolution, vrai arme de dissuasion massive pour prévenir une éventuelle motion de censure du Parlement, et ce sans autre conditions que celle de consulter le Premier ministre et les présidents des deux Chambres, ces derniers ne rendant qu'un avis non contraignant sur la question. Mais la vrai marque de ce présidentialisme assumé se trouve dans l'article 16 au travers duquel le Président réunit entre ses mains l'ensemble des pouvoirs lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation ou encore l'intégrité de son territoire sont menacées.
Mais qu'en est il dans la pratique de ces prérogatives gouvernementales conférées par la Constitution de 1958 ? Quittons le droit positif pour faire un peu de positivisme. On l'a compris, le Président reste le chef, le Premier ministre ne devant que remplir le rôle, parfois ingrat d'exécutant -Michel Debré en saura quelque chose avec ses positions contradictoires à celles de De Gaulle au sujet de l'Algérie française. Dans sa pratique du pouvoir, De Gaulle dépassera parfois largement les prérogatives qui lui étaient attribuées par la Constitution. Il en a été le cas lors du putsch des généraux d'avril 1961 contre lequel il mettra en oeuvre l'article 16 de la Constitution dont les conditions, d'après certains juristes, étaient loin d'être remplies. Mais le Général, hormis la légalité constitutionnelle, disposait d'une légitimité historique aux yeux des français pour œuvrer dans ce sens.
De gaulle avait exagéré volontairement la menace représentée par le putsch de 1961. Lui même fin militaire, il savait depuis des semaines que l'entreprise du quarteron des généraux en retraite était vouée à l'échec.
Et les ministres dans tout cela ? Si ils conduisent la politique de la nation ils n'en reste pas moins extrêmement fidèles à la personne du Grand Charles et à son idée de la France. Cette convergence de point de vue se comprend : si les membres du gouvernement restaient responsables devant l'Assemblée ils n'en restaient pas moins nommés, comme il en est encore le cas aujourd'hui, par le Président lui-même. De Gaulle nommera pour son équipe gouvernementale des gaullistes chevronnés ou des experts apolitiques qui répondront plus tard au nom - aujourd'hui péjoratif - de technocrates. Ceux-ci sentaient que le rôle qui leur était attribué dépassait largement la simple fabrication de normes qui ne sont aujourd'hui produites que pour répondre à des cas extrêmement techniques ou concrets. Leur mission, ils le ressentaient ainsi, était de maintenir le rang de la France dans le nouvel ordre mondial né de la fin de la seconde guerre mondiale. Nombre d'entre eux étaient issus de la résistance, avaient connu des années de "cache-cache" sous Vichy, une pression morale et physique intense, qui les aideront plus tard non seulement à gouverner mais à disposer également de cette compréhension de l'Histoire si chère et bénéfique aux grands gouvernants.
Reportons nous soixante ans plus tard à l'aune du quinquennat Macron. On peut constater une convergence de forme mais une opposition radicale de fonds entre les gouvernements gaullien et macronien. Comme à l'ère gaullienne, Emmanuel Macron entend mener la barque avec conseillers technocrates proche de lui et disposant entre leurs mains d'un gouvernement dont le personnel leur est entièrement soumis. Cependant si bon nombre des membres du gouvernement sont de parfaits inconnus, comme il en a été le cas sous De Gaulle, ceux-ci sont aujourd'hui des exécutants de l'idéologie bruxelloise, estimant qu'un sens linéaire de l'histoire existe, et que celui-ci ne peut se traduire que par davantage d'avancée vers le supranationalisme et le libéralisme. Manifestement, les ministres macroniens, ne disposent plus du même poids politique que celui, conféré par les épreuves de l'Histoire, de leurs prédécesseurs. Leurs points de vue ne s'expriment qu'au travers du matérialisme et de l'économisme. Ils considèrent que le salut de la France, loin de passer par son rang géopolitique aujourd'hui cadenassé par l'Allemagne, ne peut se réaliser que par le truchement de l'accumulation matérielle et de la prospérité économique niant par là-même l'essentialisme propre à chaque être humain. Cette divergence de fond s'exprime aussi par la manière dont est entretenue la solidarité gouvernementale. Macron entend diriger son "équipe" par des "séminaires" et plus de "transversalité", bref tout autant de mots issus du jargon entrepreneuriale anglo-saxon. Les membres gouvernementaux, d'En Marche! sont friands de cette culture du management américain pour exprimer leurs opinions exclusivement par des slogans, des acronymes ou des anglicismes simples à retenir.
L'utilité des parlementaires macroniens expliquée à Aurore Bergé, une député EnMarche! Juste pour le plaisir...
De la souveraineté à la soumission :
Le parlement de la République gaullienne, si il était largement muselé par l'autorité du pouvoir exécutif, n'en demeurait pas moins souverain. Au travers de ses lois il n'avait à rendre de comptes qu'à la Constitution. La souveraineté manifeste l'exercice politique effectif sur une nation qui a elle même défini la nature de cette exercice politique. En d'autres mots, le peuple choisit - plus ou moins directement - le gouvernement et le parlement qui exerceront à son endroit le pouvoir, voir la violence légitime. Mais la souveraineté se traduit également par l'absence de subordination d'un Etat sur un autre. Bien entendu, on ne saurait contesté l'influence d'un Etat à l'encontre d'un autre mais ce dernier ne peut, en théorie, recevoir directement des ordres d'un quelconque Etat étranger pour la conduite de sa politique nationale. Sous l'ère gaullienne, l'Etat français a tenté de jouer un rôle d'influence au travers du monde, notamment à l'égard de l'Ancien Continent et du Moyen Orient. Mais jamais il n'a interféré dans les affaires intérieures d'un quelconque pays comme le font aujourd'hui les Etats occidentaux actuels.
Sous notre époque, on peut littéralement, concernant la France, inverser la phrase concernant la subordination : la souveraineté se traduit par la présence d'une subordination d'un Etat sur un autre... On peut même en changer l'un des sujets, "l'autre", pour être plus précis. La France n'est plus aujourd'hui subordonné à un Etat mais à un organisme international : l'Union Européenne ! Dans les faits, cette soumission se traduit aujourd'hui par une Assemblée Nationale devenue le vassal d'une Union Européenne dont la légitimité démocratique est loin d'être reconnue : notre parlement national enregistre les directives et les règlements d'un parlement européen, élu par moins de 40% des inscrits français, aux ordres d'une commission européenne qui ne répond de ses actes devant aucune instance démocratique. Cela se manifeste d'ailleurs directement sur nos lois : 80 à 90% d'entre elles sont de simples transpositions de normes communautaires suintant le sansfrontiérisme et la promotion à tout va des milieux financiers.
Pour masquer cette impuissance, et faire preuve de sa puissance chimérique, le parlement macroniste édicte avec ferveur des lois sur des sujets sur lesquels il dispose encore d'une emprise : la vie politique. On lui concédera cependant qu'il n'est pas le premier à œuvrer dans ce sens puisque les parlements successifs ont suivit cette tendance depuis bientôt plus de vingt ans. Sur ce postulat on comprend l'origine et l'intérêt d'une loi sur la moralisation de la vie publique. Elle n'est en fait "qu'une poire à chagrin pour passer à un autre sujet" comme nous l'avertissait notre si prévenant général. Les français sont des machiavéliques, non des puritains scandinaves ou des quakers mormons. Ils ne sont pas lassés du fait de la corruption de nos élus, mais de leur impuissance. Même les sondages contredisent la soi-disante attente des français sur la moralisation de la vie publique, ceux-ci étant davantage inquiets par les phénomènes de la crise migratoire et du terrorisme islamique. Ipsos - qui n'est franchement pas un organisme de sondages remplies de réactionnaires - au travers d'une enquête "Fractures française 2017", a constaté que 65% des français pensent qu'il y a trop d'étrangers en France, ce chiffre étant identique à celui de 2016 et en croissance depuis 2014. En outre, l'étude établit que seulement 40% de nos compatriotes considèrent que l'islam, tel qu'il est pratiqué en France, est compatible avec les valeurs de la société française.
Comme notre Parlement n'a plus d'emprise sur l'économie et l'immigration - deux sujets étroitement liés et qu'il glorifie - il passe son temps à voter des lois qui n'ont presque plus aucune influence sur la prospérité de notre pays et dont la plupart des français se fichent comme d'une guigne. Mais le déclin de nos représentants parlementaires ne ne se traduit pas uniquement dans la production législative. La personne même du député est aujourd'hui à relativiser par rapports aux soixante dernières années. En effet, alors que l'Assemblée Nationale du précédent siècle était largement constitué d'hommes, et par fois de femmes, bénéficiant d'un poids politique et intellectuel non négligeables, nous nous retrouvons en 2017 avec des députés faisant preuve, parfois jusqu'à la caricature, d'un amateurisme confondant. Ceux-ci sont d'ailleurs contraints de participer à des "séminaires" comme des salariés commerciaux le seraient pour se former à de meilleures techniques de ventes.
"Je veux que la France soi la Nation des Startup. Une Nation qui pense et qui bouge comme un Startup". Le bougisme aux rênes de la République.
C'est un constat comparatif que d'aucun pourrait qualifier de réactionnaire ou de "c'était mieux avant". Nous assumons pleinement cette position. Mais la sincérité nous force à admettre que tout n'est pas à jeter dans l'esprit de la République macronienne. Comme nous l'avons souligné celle-ci a renoué avec la forme d'un pouvoir exécutif qui, si il ne reflète plus l'esprit originel de la Vème Répuglique, bénéficie néanmoins d'une autorité plus importante face à un parlementarisme de plus en plus débridé au fil des révisions constitutionnelles de ces trente dernières années. L'autre sujet majeur sur lequel le pouvoir macronien s'illustre avec talent demeure celui de la diplomatie étrangère. Contrairement à leurs prédécesseurs respectifs, Macron et Le Drian ne versent pas dans un manichéisme dégoulinant de niaiserie comme on pu le faire autrefois Hollande et Fabius notamment à propos de la Syrie et de la Russie.
Cependant, on se plait à voir nos journalistes se transformer en historiographes de notre jeune roi pour glorifier sa politique internationale. La rencontre entre Poutine et Macron à Versailles demeure l'illustration parfaite de cette information dithyrambique sur le sujet. Les médias officiels ont consensuellement fait l'éloge d'un Macron sûr de lui, lançant au visage de Poutine sa diatribe à l'encontre de journaux français pro-russe n'ayant pas fait dans la dentelle pour mettre des bâton dans la campagne présidentielle de notre pompeux Président. De même, sa réponse au refus de Donald Trump de signer les accords de Paris par une formule ironique et simpliste - "Make our planet great again" -, fera l'objet d'éloges apologiques de la part de nos hagiographes macroniens. Ceux-ci auront simplement oublié d'une part que Poutine a répondu à Macron que les aspirations souverainistes d'une grande partie de son peuple n'étaient pas illégitimes à ses yeux, et d'autre part que l'accord de Paris n'était qu'un texte de grandes intentions, dépourvu d'une quelconque force juridique, et dans lequel les "should" et les "could" se substituaient au "must" et au "have to". Mais si l'on écarte cette flatterie exprimée par nos médiacrates, nous ne pouvons que nous réjouir de cette prise de hauteur sur les questions internationales. Il en est de même actuellement avec les positions de Monsieur Blanquet sur l'Education Nationale afin (d'essayer) d'en finir avec 30 ans de pédagogisme et de constructivisme (l'élève qui construit son propre savoir...) qui ont transformé progressivement les professeurs en des assistants sociaux quotidiennement au bord de la crise de nerfs. Mais les temps longs ont leur logique. Macron continuera a privilégié l'idéologie dominante du marché ; il reprendra les thèmes scandés par les multiples minorités ethniques et sociales; il dirigera la France et son gouvernement comme une startup; sa vision courtermiste des choses, si caractéristique des milieux financiers, s'opposera ridiculement à celle longtermiste du plus illustre des français - De Gaulle. Mais comme le scandent naïvement nos progressistes macroniens : "les temps changent"
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